Le 28 août 1913

La Cour permanente d’arbitrage, une cour internationale de justice qui permet aux pays de régler pacifiquement leurs litiges, prend son siège dans le Palais de la Paix à La Haye. L’institution va de pair avec les efforts de pacification néerlandaises: à cause du commerce d’outre-mer et des colonies, la stabilité est du plus grand intérêt pour le petit pays, qui choisit déjà depuis des dizaines d’années à rester neutre dans les conflits. Vu les Conférences de la Paix qui ont eu lieu dans la ville (1899, 1907), il est logique que la cour s’établisse à La Haye.

Mais en Europe, les tensions augmentent. La situation est surtout tendue sur les Balkans. L’Autriche-Hongrie et l’Empire ottoman se voyent confrontés avec des mouvements nationalistes qui luttent pour la création d’états indépendants et l’extension de leur territoire et qui sont, en quelques cas, soutenus par la Russie. Parfois, ils s’entrecombattent. Il se forme deux blocs qui se lancent dans une course aux armements. Moins d’un an après l’inauguration du Palais de la Paix, la guerre éclate.

Film sur la Grande Guerre et les origines du conflit. 1924. EYE Film Instituut Nederland, Compagnie de production: Universal (Etats Unis)

L’archiduc François-Ferdinand et son épouse Sophie quelques instants avant leur assassinat par le nationaliste serbe Gavrilo Princip. Sarajevo, 28 juin 1914. Photo Hollandse Hoogte/Corbis

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Les Alliances

Dans le conflit, deux camps s’opposent: l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne, rejointes par l’Empire ottoman et la Bulgarie – les Empires centraux – contre les Alliés – entre autres la France, l’Empire britannique, la Russie, la Belgique, la Serbie puis l’Italie et les États Unis. Plusieurs pays ont des colonies et entraînent automatiquement les autres continents dans le conflit. Aussi la guerre ne se déroule-t-elle pas seulement au front de l’ouest et au front de l’est, mais également en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. En outre, des soldats des colonies viennent combattre en Europe. En 1918, 33 pays, ayant en total plus de 1,5 milliards d’habitants, sont impliqués dans la guerre – à peu près quatre-vingt pour cent de la population mondiale.

La guerre

Le 28 juin 1914

L’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, (1863-1914) et son épouse Sophie (1868-1914) rendent visite à la Bosnie, une partie de l’Empire où la situation est déjà tendue depuis des décennies. Une minorité serbe milite en faveur d’un état Yougoslave indépendant ou de l’annexion par la Serbie. Quelques membres d’une organisation nationaliste serbe se résolvent à ne pas laisser partir l’héritier vivant. Un attentat à la bombe sur le couple princier échoue, mais un peu plus tard les balles issues d’un pistolet atteignent leurs buts. François-Ferdinand et Sophie meurent de leurs blessures.

L’Autriche-Hongrie demande réparation de l’affront et déclare la guerre à la Serbie le 28 juillet 1914. L’attentat provoque des réactions exaltées. Le jeu des alliances, les tensions nationalistes et des intérêts contradictoires amènent les pays européens à nourrir des espoirs naïfs et à se jeter dans la guerre. L’Europe entière prend feu. La Grande Guerre a commencé.

Dessin sur la neutralité néerlandaise pendant la Grande Guerre. Un marin est séduit par des jolies dames (les pays belligérants). Date inconnue. Photo HH/Spaarnestad Photo

La neutralité

« Tout ce que nous souhaitons, est que l’on nous laisse tranquilles, » écrit le quotidien NRC le 1er août 1914. Les Pays-Bas indiquent clairement la position qu’ils ont prise; le pays souhaite rester neutre. Le plus grand danger est représenté par l’Allemagne, qui pourrait vouloir traverser librement la province de Limbourg pour atteindre le territoire belge. Après quelques journées de guerre, les Allemands et les Britanniques affirment qu’ils respecteront la neutralité néerlandaise, si celle-ci ne représente pas un avantage pour leurs adversaires. Tout au long de la guerre, les néerlandais doivent donc naviguer pour contenter les deux camps. Parfois, c’est juste. Au mois de mars de l’an 1916, par exemple, il court des bruits que la Grande Bretagne voudrait envahir le pays et en 1918 les Allemands réclament le libre passage de leurs transports par le Limbourg.

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La neutralité

Les Pays-Bas ne sont pas le seul pays qui reste neutre pendant la Première Guerre Mondiale. Des pays européens, le Danemark, la Norvège, la Suède, l’Espagne et la Suisse restent également en dehors du conflit. Ceci est aussi dans l’intérêt des belligérants. Ainsi, les prisonniers de guerre sont échangés sur le sol neutre des Pays. En outre, le pays approvisionne les partis combattants d’aliments, de matières premières et de services financiers.

Mobilisation

Le 1er août 1914

Fragment du Leger en Vlootfilm (Film sur l’Armée et la Flotte) de 1917 par Willy Mullens, un film de propaganda sur l’armée néerlandaise. Nederlands Instituut voor Beeld en Geluid

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Espionnage

Tout au long de la guerre, il y a un grond nombre d’espions étrangers aux Pays-Bas, surtout a Rotterdam. Les services de l’espionnage anglaises et allemandes recrutent également des Néerlandais, qui, à cause de leur statut neutre, peuvent franchir librement les frontières. D’aucuns sont démasqués à l’étranger comme étant (double) espion. Le cas le plus connu est celui de Margaretha Zelle (1879-1917), une danseuse exotique de la Frise, mieux connue sous son nom d’artiste Mata Hari. Elle aurait espionné aussi bien pour l’Allemagne que pour la France et est executée par les Français le 15 octobre 1917.

Pour empêcher une invasion, les Pays-Bas, en tant que l’un des premiers pays européens, mobilisent l’armée le premier août de l’an 1914. Près de 200.000 hommes rejoignent leurs casernes et sont transportés aux frontières du pays et aux forts et fortifications les plus importants comme la Waterlinie et la Ligne de défense d’Amsterdam. Leur message est clair: les Pays-Bas tiennent a leur neutralité et sont prêts à la défendre.

Pendant les années de la guerre, l’armée de terre s’occupe de la protection des frontières, de l’accueil des réfugiés et des soldats internés et de la lutte contre le trafic et l’espionnage. Les forces navales s’occupent surtout de la protection des Indes néerlandaises, des patrouilles côtières et du dragage des mines marines. Mais à défaut de véritables actions militaires, les troupes commencent vite à s’ennuyer, même si la menace de guerre continue à planer. On essaie d’y remédier en organisant des épreuves sportives et en proposant des formations. Au long de la guerre, on donne de plus en plus souvent la permission aux soldats de visiter leurs familles et de retourner à leur travail.

Des refugiés belges dans la ville de Bergen op Zoom aux Pays-Bas, accompagnés d’une soeur de la Croix Rouge (au milieu, au manchon). Photo Het Markiezenhof, Bergen op Zoom

Les réfugiés et les soldats internés

Le 10 octobre 1914

Au début de août 1914 les combats se déclenchent. Les Allemands envahissent le Luxembourg et la Belgique. Louvain est mis à feu et le 10 octobre 1914 Anvers est pris par les Allemands. Un million de Belges fuient la Belgique pour les Pays-Bas, qui ont un peu plus de six millions d’habitants. L’accueil du flux de réfugiés se déroule bien. Des comités locales et des particuliers offrent leur aide.

Beaucoup de ces réfugiés rentrent chez eux au cours de la guerre. En fin de compte, quelque 80.000 Belges, aussi bien des civils que des militaires, vivent les quatre années de guerre aux Pays-Bas. La plupart des réfugiés est placée dans des « lieux de refuge », des camps spécialement construits où se trouvent un bureau de poste, un hôpital, une église, des crèches, des magasins et même une salle de lecture. Les réfugiés militaires sont désarmés et internés dans des casernes. Il existe également des camps d’internement pour les soldats britanniques et allemands.

Histoire personelle

Le trafic frontalier

Non pas tout le commerce avec la Belgique occupée est considéré comme du trafic; on a le droit d’emporter deux kilogrammes d’un produit par personne. Ce commerce représente une addition bienvenue pour le revenu d’un bon nombre de familles. De Telegraaf décrit un groupe qui passe la frontière en août 1915: « Des charrettes et des carrioles de toutes sortes, tout ce qui possède des roues, grinçant sous le poids d’une charge qui est trois fois trop lourde; des centaines et des centaines de cyclistes, tous pourvus de paquets sur le dos ou attachés au vélo, et des milliers de piétons, des hommes, des femmes et des enfants; surtout des enfants! De beaux enfants, tous avec un gros paquet quand ils entrent la Belgique, et avec un sac vide quand ils rentrent chez eux. »

Camp de refugiés près de Gouda, 1916. EYE Film Instituut Nederland, Compagnie de production: inconnue.

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Les frontières

À partir du printemps de 1915, l’occupant allemand construit une clôture le long de la frontière belgo-néerlandaise, une barrière electrifiée longue de 300 kilomètres avec un voltage de 2000 volts. Le « rideau de fer » avait pour but d’éviter l’espionage et d’empêcher le traffic. Elle doit aussi empêcher les hommes de la Belgique occupée de passer par les Pays-Bas et la Grande-Bretagne pour rejoindre l’armée belge, qui se bat contre les Allemands dans la tranchées à la frontière entre la Belgique et la France. A partir de la fin de 1914 le front de l’ouest s’étend de la côte belge à frontière entre la France et la Suisse. Cette ligne reste essentiellement inchangée pendant quatre années, en dépit de plusieurs grandes offensives et de l’introduction des gaz toxiques.

Un citoyen est arrêté par un douanier. 1917. Photo Regionaal archief Nijmegen

La vie économique pendant la guerre

Pendant les premiers jours de la guerre, la panique règne aux Pays-Bas. La bourse d’Amsterdam ferme immédiatement après la déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie à la Serbie. Un grand nombre d’épargnants retirent leurs capitaux et les cafés n’acceptent que les pièces, qui ont une valeur stable. L’argent ne circule plus. La banque nationale des Pays-Bas prend des mesures pour stabiliser l’économie: l’exportation de l’or est interdite et on frappe une monnaie obsidionale pour remplacer la monnaie d’argent entassée, le bon d’argent, le zilverbons. Les particuliers prennent également des initiatives. La reine Wilhelmine (1880-1962) elle-même apporte son concours et fait une donation d’argent, de laine et de vêtements à un nouveau fonds de concours national à l’aide des familles nécessiteuses.

Portrait de groupe de la direction du Trust néerlandais d’outre-mer à Amsterdam dans les années 1914-1919 Peinture de Antoon van Welie. Illustration Rijksmuseum Amsterdam

La stabilité est surtout favorisée par le Trust néerlandais d’outre-mer, qui est fondé le 24 novembre 1914. Cette organisation privée gérée par des chefs d’entreprise, des banquiers et des armateurs conclut un marché avec les Anglais, qui s’efforcent de mettre à genoux les Allemands par la mise en oeuvre d’un blocus. Désormais, les importateurs néerlandais donnent permission de laisser contrôler leurs navires et garantissent que les cargaisons ne sont destinées qu’aux Néerlandais. Le système fonctionne raisonnablement bien pendant les deux premières années de la guerre. Pour la plupart des Néerlandais, la guerre ne se fait sentir que par une hausse des prix des aliments. Parfois le pain de mie populaire doit être remplacé par le pain de seigle.

La presse et la propagande

Dans les foyers néerlandais, on suit attentivement le déroulement de la guerre. Les quotidiens prêtent beaucoup d’attention aux développements et aux suites de La Grande Guerre. Mais le gouvernement néerlandais demande la presse d’observer une certaine réserve dans les informations. Un ton trop critique ou trop positif envers l’un des deux camps pourrait mettre en danger la neutralité précaire du pays. Mais d’aucuns n’observent la circonspection demandée. En outre, un nombre de journaux et de journalistes est partial ou se laisse soudoyer.

Les dévastations et les crimes de guerre exercent une influence sur les opinions. Dans ses dessins, Louis Raemaekers (1869-1956), dessinateur de presse pour le quotidien anti-allemand De Telegraaf, ne laisse pas à deviner ses opinions. C’est surtout l’empereur allemand qui doit payer les pots cassés, et le journal décrit les Empires centraux comme une « bande de voyoux sans scrupules, qui ont déclenché la guerre ». En décembre 1915 le rédacteur en chef est arrêté par la police, qui le remet en liberté après dix-sept jours de détention.

La photographie et le cinéma disent souvent plus que les mots. Les revues illustrées comme De Prins, De Katholieke Illustratie, Panorama et Het Leven publient beaucoup de reportages illustrées. Et dans les cinémas, les Néerlandais regardent des reportages de guerre de l’Angleterre, de la France et de l’Allemagne. Ces informations sont souvent tendancieuses, tandis que la presse néerlandaise s’efforce d’observer un ton neutre.




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Louis Raemaekers (1869-1956)

Après sa mort, le quotidien The New York Times écrit que le dessinateur Louis Raemaekers était le seul individu privé qui a exercé une influence réelle et grande sur le cours de la Première Guerre Mondiale. Il est complètement bouleversé durant les premiers mois de la guerre. Après les ravages perpétrés en Belgique, il fait des dessins virulement anti-allemands. Il connaissent un succès en France et en Angleterre. A Londres, on publie un albums de ses dessins, qui paraît ensuite en dix-huit langues. Beaucoup de soldats alliés apportent les dessins au front, sous forme d’albums ou de cartes-cigarettes. Les Allemands sont mécontents de son oeuvre et demandent au gouvernement néerlandais de se justifier. En 1915, il court des bruits qu’ils ont mis la tête de Raemaekers à prix.

Dessin de l’hebdomadaire De Nieuwe Amsterdammer 'Rédacteur en chef du Telegraaf arrêté' Illustration BeeldbankWO2/NIOD

L’empire colonial néerlandais

L’empire colonial néerlandais comprend le Suriname, les Antilles néerlandaise et les Indes orientales néerlandaise, l’actuelle Indonésie. La guerre souligne que les Pays-Bas sont forts dépendants d’autres pays en ce qui concerne la communication avec les colonies. Les Britanniques contrôlent les trafics téléphonique et télégraphique avec les Indes orientales, et, tout comme en Europe, ils limitent les importations et les exportations. En outre, le transport des voyageurs devient de plus en plus difficile à cause de la présence des sous-marins allemands. Les Indes n’expédient leurs produits – le sucre, le riz, l’huile, le cotton, le tabac, le thé et le poivre – non plus en Europa par bateau, mais essaient de les vendre dans la région. Cela cause une pénurie aux Pays-Bas et un manque de machines et d’appareils médicaux dans la colonie. A partir de 1916 la pénurie s’aggrave. Dans le dernier année de la guerre, la paralyse quasiment totale des exportations cause des menaces de famine et d’émeutes.

Les commandants de l’armée coloniale craignent surtout une invasion éventuelle, qu’ils ne sauront prévenir à cause du nombre faible de soldats: est-ce qu’il faut entraîner et armer une large quantité de Javanais, qui pourraient s’insurger contre le colonisateur? La peur est aggravé par l’émergence des premières organisations nationalistes. Ceci n’est pas le cas aux Antilles néerlandaises et au Suriname, où la paralyse du commerce et des Communications donnent un essor à l´agriculture.

Des hommes, entre autres des soldats de l’Armée Royale des Indes Néerlandaises, auprès de leur bivouac aux Indes Néerlandaises. Environ 1915. Photo KITLV

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Les colonies et la guerre

Très vite après le début de la guerre, des combats se déclenchent en Afrique entre les armées coloniales de l’Allemagne et celles du Royaume-Uni. A partir de 1916 le Moyen-Orient est également le théâtre de combats. L’officier britannique T.E. Lawrence (1888-1935), mieux connu en tant que Lawrence d’Arabie, parvient à organiser une révolte des tribus arabes contre la puissance ottomane. Les Britanniques jouent double jeu: ils promettent l’indépendance aux Arabes et concluent un accord avec les Français partageant l’Empire ottoman en deux zones d’influence politique et économique. C’est ce second plan qui est finalement executé après la guerre. Tout comme les colonies allemandes, ces territoires deviennent des mandats. La France établit ses mandats en Syrie et au Liban, tandis que les Britanniques revendiquent l’Iraq, la Transjordanie et la Palestine. Pour ce qui est de la Palestine, les Britanniques font des promesses contradictoires aux Arabes et aux juifs, qui cherchent à créer un état indépendant.

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Suffrage universel

Dans la Première Guerre Mondiale, ce sont les hommes qui partent à la guerre. Les places vides qu’ils laissent dans les usines et sur les champs sont souvent prises par les femmes. Une fois que les hommes sont partis, pour souvent ne jamais revenir, l’action des femmes devient indispensable. Mais en affaires politiques, elles n’ont encore rien a dire – dans beaucoup de pays, le droit de vote est reservé aux hommes adultes disposant d’un certain revenu ou d’un minimum de formation. La Grande Guerre va changer le destin des femmes. Après la guerre, le droit de vote est accordé aux femmes dans certains pays, entre autres en Allemagne, en Autriche, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

L’harmonie politique

L’harmonie politique dont les Pays-Bas ont besoin pour maintenir leur neutralité donne lieu à un nombre de mesures qui restent perceptibles et visibles jusqu’à nos jours. Ainsi, les questions autour de l’école laïque et de l’école privée et autour du suffrage universel (1917) sont tranchées. La pénurie démontre la nécessité d’un approvisionnement alimentaire organisé. Suivant de grandes inondations qui se sont produites deux ans auparavant, la loi-cadre Zuiderzeewet est adoptée par la Chambre des représentants en 1918. Une grande partie du Zuiderzee est asséchée après la construction de la digue de l’ Afsluitdijk, la « Digue de fermeture » (1932) célèbre dans le monde entier, ce qui devrait produire des dizaines de milliers de hectares de terres agricoles.

Construction de l’Afsluitdijk. Environ 1927. Photo Nieuwland Erfgoed

La pénurie

A partir de 1917 la guerre commence à s’approcher des Pays-Bas. Les sous-marins allemands et les mines brittaniques font de plus en plus obstacle au commerce maritime et à la pêche. Sans les importations d’outre-mer, les Pays-Bas n’ont pas suffisamment de matières premières, ce qui entraîne une baisse de la production intérieure. La pénurie se développe et les prix montent. Il n’y a que peu de blé, tandis que les pommes de terre ont doublé de prix par rapport à l’année précédente, la viande est rare et le rationnement d’un grand nombre de denrées est mis en place. Dans les derniers mois de la guerre le rationnement s’étend à plus de cinquante produits (pétrole, oignons, bois, métal, savon et textile).





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La guerre sous-marine et le blocus

A partir de février 1917 les sous-marins allemands torpillent tous les navires qui se rapprochent des eaux britanniques et françaises. Ils essaient d’affaiblir les Britanniques en les privant d’approvisionnements extérieurs de combustibles et de matériel de guerre et de les forcer à capituler. Le système de contrôle qui a été mis en place en 1914 dans les ports britanniques par le Trust néerlandais d’outre-mer désormais ne fonctionne plus. Les bateaux de pêche subissent également les attaques et il n’est plus possible de naviguer aux Indes néerlandaises en passant par la Méditerranée. Cette « guerre sous-marine illimitée » fait basculer l’opinion des Américains. En avril 1917, ils déclarent la guerre à l’Allemagne. Les Pays-Bas en subissent les conséquences: les Américains décident d’arrêter l’exportation d’aliments du bétail, de blé et d’engrais chimique aux Pays-Bas. En outre, il réclament un grand nombre de navires néerlandais avec lesquels ils transportent leurs troupes au front en mars 1918.

Un sous-marin allemand en 1918. Photo HH/Sueddeutsche Zeitung Photo

La pénurie fait appel à l’inventivité des Néerlandais. Dans les mangeoires, on peut acheter un repas à prix réduit. On augmente la durée des vacances scolaires. Les foyers n’ont pas le gaz pendant une durée de trois à cinq heures par jour. Les jardins populaires doivent fournir les légumes. On ne chauffe plus la maison avec le charbon, mais avec des boules de papier. Dans une tentative de garantir les aliments de base, le gouvernement introduit des produits nouveaux comme la « saucisse d’unité » et le « biscuit populaire ». Les Néerlandais font pour le mieux et espèrent que des jours meilleurs arriveront.

Mais pas tout le monde respecte la loi. Un grand nombre de paysans vend ses produits sur le marché noir ou aux Allemands, qui paient beaucoup mieux. Le gouvernement est forcé de vendre des pommes de terre, qui sont déjà rares, à l’étranger pour pouvoir acquérir des combustibles. Cela suscite le mécontentement du peuple, qui s’émeute et tente de piller des entrepôts d’alimentation. Dans l’été de 1917 la police tire sur les manifestants quand des femmes des ouvriers pillent une cargaison de pommes de terre. Les émeutes s’achèvent dans un bain de sang.

Profits pour la vie économique

A long terme, il ressort que la guerre profite à l’economie néerlandaise. Sans concurrence étrangère, l’industrie et le commerce ont beau jeu sur le marché national et international. Les entreprises se trouvent contraints de prendre des initiatives qui s’avèrent lucratives. Ainsi la compagnie Philips va prendre en main le soufflage du verre pour les lampes à filament de carbone. Comme on n’importe presque plus de charbon allemand, les mines néerlandaises connaissent un fort développement. L’industrie d’armement se développe. La guerre donne un essor a l’aviation. A la fin de la guerre, il s’avère que les « profiteurs de la guerre » sont devenus tres riches, et certainement par rapport au peuple, qui est affligé par la pénurie et parfois même par la famine. Après la guerre, il y a trois fois plus de millionaires aux Pays-Bas qu’avant.

L’usine de Philips à Eindhoven. Eindhoven, 1915. Photo Regionaal Historisch Centrum Eindhoven

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L’aviation

La Grande Guerre est la première guerre où l’aviation va jouer un rôle. Les zeppelins et les avions, parfois construits par le Néerlandais Anthony Fokker (1890-1939), sont utilisés pour les combats aériens, l’espionnage et les bombardements. L’espace aérien néerlandais est souvent violé par les Brittaniques et les Allemands. Mais comme le pays n’a pas d’artillerie anti-aérienne, il ne peut rien y faire. En quelques cas, les Pays-Bas sont bombardés par mégarde. La Première Guerre Mondiale n’est pas seulement un tournant pour l’aviation, mais engendre aussi des innovations comme le char de combat, la mitrailleuse et le gaz de combat.

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Revolution

En 1917 deux révolutions successives renversent le régime tsariste et instaurent la « dictature du prolétariat » en Russie. Quelques mois plus tard, le nouveau régime sort de la Grande Guerre. En Allemagne, la révolution de l’automne de 1918 force l’Empereur Guillaume II à abdiquer. Il se réfugie aux Pays-Bas, où il finira le reste de ses jours dans Huis Doorn. La guerre causse également l’effondrement des empires Austro-Hongrois et Ottoman. Vers la fin de la guerre, tout porte à croire qu’une révolution aura lieu aux Pays-Bas; les soldats excitent à une émeute et le people a faim. Le leader socialiste P.J. Troelstra (1860-1930) proclame la révolution, mais devra admettre qu’il s’est trompé.

Un cimetière anglais au front. 1917. Photo HH/Roger-Viollet

La paix

Le 11 novembre 1918

A la fin de l’été de 1918 il devient clair que les Alliés vont gagner la guerre. L’Allemagne est de guerre lasse et le pays est le théatre d’une révolution. Le 11 novembre 1918 l’Armistice est signé. Très vite, les Alliés organisent des conférences afin de négocier la paix. Les combats ont cessé, mais ils continuent de résonner. Une génération entière est décimée; plus de neuf millions de soldats sont morts et un nombre énorme de survivants sont mutilés ou gravement atteints psychiquement.

Le président français Georges Clemenceau parle pendant la signature du traité de paix à Versailles en 1919. Le president américain president Woodrow Wilson est à sa droite. Versailles, 1919. Photo HH/Corbis

Après la guerre

Le 28 juni 1919

La carte de l’Europe est redessinée par le Traité de Versailles, signé le 28 juni 1919, exactement cinq ans après l’assassinat perpétré contre François-Ferdinand. Les vainqueurs réclament des remaniements territoriaux et l’agrandissement de leurs empires coloniaux. Les pays vaincus, et notamment l’Allemagne, doivent payer de lourdes indemnités de guerre. Une organisation internationale, la Société des Nations, doit désormais régler pacifiquement les conflits. Elle ne peut prévenir qu’une nouvelle guerre dévastatrice éclate vingt ans plus tard. Cette fois ci, les Pays-Bas neutres ne restent pas hors d’atteinte.

La commémoration et la mémoire

La Porte de Menin à Ypres, où chaque soir l’on joue le Last Post.

De la Grande Guerre, on retient surtout le grand carnage absurde dans les tranchées du front de l’ouest. C’est cet aspect de la guerre qui est toujours souligné dans les films, les romans et les poèmes. Mais les combattants eux-mêmes n’ont pas toujours perçu la guerre comme absurde. Ils essaient de tenir bon, se battent pour la patrie ou essaient de faire une percée. En outre, la Première Guerre Mondiale est plus que le carnage dans les tranchées. Le conflit entraîne un véritable bouleversement des relations sociales et favorise une croissance de nouvelles technologies – aussi aux Pays-Bas restés neutres.

L’une des conséquences de la neutralité néerlandaise est que la plupart des victimes néerlandais sont des marins ou des pêcheurs, plutôt que des héros de la guerre. Aussi la Première Guerre Mondiale reçoit-elle relativement peu d’attention aux Pays-Bas. Ici, il n’y a que tres peu de monuments ou de tombes du soldat inconnu.

Au centenaire de la Grande Guerre, de plus en plus de gens aux Pays-Bas commencent à s’intéresser à la Première Guerre Mondiale. Les Néerlandais visitent les champs de bataille, les musées et des lieux de mémoire comme Huis Doorn, où l’Empereur allemand Guillaume II se réfugia après la fin de la guerre. Et on commence à s’intéresser aux questions de soutien et d’organisation et aux gens qui s’en occupèrent.

Huis Doorn aujourd’hui et en 1919. Photo Huis Doorn